La race en héritage

Les origines du Pur-sang Arabe sont mal connues et ce sujet a bien des controverses. Ce dont on est certain, ce sont ses attaches orientales et son ancienneté. Issu réellement du désert, le Cheval Arabe est déjà remarqué par Salomon et par les pharaons qui, soit dit en passant n'étaient pas des cavaliers mais n'utilisaient leurs montures qu'attelées.

L'Arabe du désert, que personne (sauf peut être Lady Wentworth) ne considère comme originaire de la presqu'île arabique, y a pourtant été créé en tant que race.

Vers la fin du 1er millénaire, sous la dynastie Abasside des Califes de Bagdad, elle était déjà bien établie. Elle avait déjà toutes ses caractéristiques et son homogénéité.Mille ans ou presque, de nomadisme dans le "grand désert", n'ont fait que stabiliser, affiner et affermir ces caractéristiques.

C'est cette race que les européens ont trouvé quand ils ont commencé à pénétrer le Moyen Orient. C'était à une époque où, en Occident, le cheval était un élément majeur de la civilisation (transport et guerre). Cette découverte a eu un impact considérable.  Prince de tous les temps...

Pendant des millénaires, les chevaux Arabes ont subi une sélection naturelle extrêmement sévère avec des conditions de vie très rudes dans leur habitat.

Les Bédouins, vivant en tribus nomades, exigeaient de leurs coursiers vitesse et endurance lors des chasses et des guerres tribales. Plus tard, en vue de la sélection des géniteurs pour la production des montures pour les Guerres Saintes, le Prophète organisait des courses de plus de 10 km (pour chevaux entraînés). En mettant ainsi l'accent sur les qualités d'endurance des chevaux arabes. Cette sélection orientée et continue a aidé à stabiliser génétiquement les caractéristiques naturelles de ceux que l'on a appelé les "fils du vent" Mahomet en fin tacticien en fit un demi-dieu. Ne rapportait-il pas deux parts de butin à son cavalier lors des pillages et diverses attaques qui sévissaient à cette époque ? Pour la plupart d'entre nous, le désert ce n'est que des dunes de sable à perte de vue. Il faut d'abord considérer que le berceau de la race n'est pas que le désert.  Que le désert n'est pas non plus que des dunes de sable. La Péninsule arabique est aussi étendue que la moitié de l'Europe !

Elle compte de grands déserts de sable mais aussi de pierres, des grands plateaux couverts de steppes herbeuses ou semi-désertiques, mais elle a aussi des montagnes dont certains sommets sont enneigés.Elle a aussi des plaines fertiles et même des oasis paradisiaques. Si les températures sont souvent torrides, elles peuvent être aussi glaciales.

Les différences entre le jour et la nuit peuvent être énormes ! Le Simoun(vent de sable) peut se lever en quelques minutes et plaquer au sol tous les êtres vivants dans un déluge de sable opaque et brûlant. Mais toute la vie de la presqu'île est dépendante d'un élément primordial, "l'eau". Sa rareté ou son absence provoque la misère et même la mort. Sa présence est source de bien-être et même d'opulence. Quiconque ne se rend pas compte que c'est entre les deux pôles de cette alternance que la civilisation du désert a vu le jour, ne peut comprendre ni la vie du Bédouin, ni celle de son cheval.       La nourriture rare n'a pas terni sa vigueur Comment dans ce milieu, le cheval est-il nourri ? Comme son maître, à la portion congrue. Un peu d'orge, en plus des maigres pâturages des steppes, de temps en temps, un petit bouquet de luzerne verte, ou du "bersim" parfois quelques dattes, souvent du lait de chamelle. Dans sa jeunesse, il est élevé par les femmes et les enfants.

Adulte, il vit à proximité de la tente, reste souvent sellé, parfois il est entravé. La promiscuité dans laquelle il vit avec les humains le rend familier et stimule son intelligence. Les mouches qui sont la hantise des occidentaux, forment son environnement permanent. La plupart des Chevaux arabes de France proviennent de ceux importés par les "Missions d'achat au Moyen Orient" Celles-ci ont ramené des chevaux de valeur, mais aussi de très moyens..! Ces missions chargées d'acheter des "améliorateurs" avaient sans doute des objectifs différents selon les races de chevaux qui étaient visées. Vu sous l'angle du bel Arabe noble, on peut dire que le meilleur a côtoyé le médiocre. L'Afrique du Nord qui a été associée pendant un siècle et demi à la France métropolitaine, a eu des importations, dans ce sens, d'un niveau nettement supérieur.Et nous ne pouvons que regretter l'incohérence de la politique d'élevage de la France. Elle a changé presque aussi souvent que le gouvernement.Pensons qu'elle a eu la Syrie et le Liban sous tutelle de 1919 à 1944 ! Qu'à cette époque la Tunisie et le Maroc étaient sous son protectorat ! Que l'Algérie consistait en trois départements français. La Tunisie, malgré son climat méditerranéen était assez propice à l'élevage Arabe.Le Maroc, surtout dans l'intérieur avait des régions extrêmement favorables.Quant à l'Algérie, prolongée par les territoires du Sud, c'était la réplique des meilleurs endroits du Berceau de Race.De l'importance des lignées maternelles La plupart du temps, et contrairement aux idées reçues, ces guerriers des sables étaient des juments. Il est plus facile de s'approcher l'ennemi avec des femelles qu'avec des mâles fougueux qui n'auraient pas tarder à donner l'alerte en voulant marquer leur nouveau territoire.C'est pour cela que les bédouins cédaient rarement leurs juments. Les mâles pouvaient se monnayer (très cher) avec l'étranger mais pas les mères.On voit les premiers Pur-sang arabes en France lors de la fameuse bataille de Poitiers au VIIIe siècle.Ils ont été aussi les acteurs des croisades en donnant du fil à retordre aux chasseurs d'infidèles.

Le premier véritable défenseur de ce cheval fut Napoléon Bonaparte qui, du haut des pyramides était juché sur le symbole même de l'orient pour montrer sa puissance. Uniquement utilisé en croisement, l'empereur des français usa de toute son influence pour que le Prince du désert produise en race pure. Les mauvaises langues disent que la taille modeste de Napoléon aura été pour beaucoup dans le choix de l'empereur. Sur un petit cheval, il apparaissait encore plus grand. Avait-il besoin de ça ? Napoléon qui posséda 130 Pur-sang Arabe dont le célèbre Marengo qui prit le nom de la bataille gagnée par l'empereur en selle sur ce fier destrier.

A l'origine des races En France, rares ont été les étalons arabes autorisés à saillir en croisement. La politique de certains naisseurs à l'égard des haras Nationaux a modéré l'enthousiasme de l'État qui a donné peu d'agréments en race pure. D'ailleurs, en vingt ans. Seuls 14 Pur-sang Arabes ont été autorisés à saillir en croisement toutes races (à ne pas confondre avec l'agrément loisir) au vue de leur indice sportif. Sur ces 14, Ils sont seulement 7 à avoir moins de 10 ans. Pourtant ses aptitudes, ses multiples utilisations, son esthétisme, sa résistance, son endurance ont fait de lui un cheval peu utilisé pour ses capacités. L'Arabe est élevé en race pure par des amateurs passionnés et trop peu utilisé dans le domaine sportif. Mais heureusement, les choses évoluent et l'ont voit de plus en plus de Pur-sang Arabes dans des compétitions de très haut niveau.

Il fait preuve d'aptitudes étonnantes en dressage et en saut d'obstacles. Il est très recherché pour l'équitation de loisir et pour les raids d'endurance où il excelle. Il dispose également, dans le Sud-ouest, d'un programme de courses très développé contrairement aux autres pays où il est essentiellement l'objet de démonstration ( shows ). L'Arabe a joué et joue encore un rôle primordial dans l'amélioration de nos races de chevaux, aussi bien lourds dans le passé, que de sang encore aujourd'hui. Parmi ces derniers, l'Anglo-Arabe est le principal bénéficiaire de ses qualités. Les chevaux de selle et les poneys en tirent également d'immenses profits.

Trois étalons ont marqué l'entrée du Pur-sang Arabe en Europe avant de conquérir le monde entier. Le premier avait pour nom Byerley Turk. C'était un superbe destrier importé de Turquie vers 1700. Il servit de cheval de guerre en Irlande et en Écosse,sous la selle du capitaine Byerley. Après avoir amplement mérité dans les combats, on lui confia quelques juments locales. Darley Arabian, était vraiment magnifique. Né en 1705 dans le désert de Palmyre, il rejoignit l'écurie de M. Darley en Angleterre grâce à une bonne idée de son frère. Étalon mondain, on lui laissa donner peu de progéniture.

Godolphin Arabian. né en 1724, fut offert à Louis XIV par le Bey de Tunis.Cadeau royal qui fut accueilli avec bien peu d'égard puisque ce superbe cheval à la réputation flatteuse dans son pays fut confiné à tiré les tonneaux d'arrosage. Triste destin pour ce fier parmi les fiers qui eut la bonne idée de croiser l'anglais Croke qui lui fit rejoindre la Grande-Bretagne où il n'eut tout d'abord le droit que d'exercer ses talents de souffleur.Trop exotique, ses capacités étaient mises en doute par les éminents spécialistes de l'époque plus habitués aux imposants palefrois qu'aux fines et résistantes sculptures du désert.

En vingt ans, trois étalons retirés presque par hasard de leur milieu naturel allaient changer la génétique équine dont tout le monde bénéficie aujourd'hui.Alors, lorsque vous voyez un Général du Pommeau remporter le Prix d'Amérique au trot attelé ou encore l'un de ces poulains vendus à prix d'or aux ventes de Deauville, sachez que là-bas au fin fond du désert, un Pur-sang Arabe sourit heureux de voir l'un de ses descendants adulé par tous les amateurs de chevaux.

Animal, minérale et naturelle

Est-elle un ange ou un démon ?

La jument Pur-sang Arabe reflète pour le bédoin toute la valeur de son élevage et quand il chante les louanges de son compagnon, il n'oublie jamais cette femelle extraordinaire détentrice des secrets les plus profonds.Animal, minérale et surtout naturelle, c'est elle qui va apporter du fond de ses entrailles la vie et léguera à l'homme le fruit des générations passées.  Contrairement à ce qui se dit, ce sont les juments qui ont fait toute la notoriété du Pur-sang Arabe et si dans les mémoires on retient souvent les étalons puisque de ce fait plus productifs, on oublie bien souvent que ce sont les poulinières dont ils sont issus et celles qui lui ont été confiées qui ont tant fait pour leur notoriété.

Laissons le bédouin raconter sa jument.

Dans ces quelques phrases, il y a certainement beaucoup à apprendre et beaucoup à retenir.

Illustration : Arielle Lucas Lamagat

Sa jument a des yeux dont l'expression est celle d'une femme amoureuse,Sa démarche est digne de la plus belle des adolescentesSon poitrail est celui du lion,Ses flancs sont ceux de la gazelle

Endurcie à force de courses, elle boit littéralement le vent,

Trotte comme un loup,

Galope comme un renard.

Sa robe est un miroir,

Son poil aussi épais que les plumes de l'aile de l'aigle,

Son cou se balance librement tel celui de la gazelle,

L'effluve aromatique de sa peau rappelle la brise épicés des hauts plateaux

bénis du Nedjad,

Ses sabots sont durs comme la pierre, projettent comme elle des étincelles

et sont si larges qu'une souris pourrait y loger son nid,

Elle est douce comme l'agneau, mais sa colère est celle de la panthère si on

la frappe ou la contrarie,

Sa croupe est aussi ferme qu'une dune humide, de plus,

Ses narines s'ouvrent comme les pétales de roses,

Son dos est si puissant qu'on le dirait fait pour deux cavaliers,

Ses épaules se transforment en ailes dés qu'elle court,

Ses jambes sont fortes comme celles de l'autruche sauvage et musclée comme

celle du chameau,

Ses cils sont aussi longs que les barbes des épis d'orges,

Son front forme deux collines qui surplombent une large plaine,

Ses oreilles sont deux moitiés d'une pointe de lance.

Réflexions d'un Chabani : L'arabe cet inconnu - Par Jean Deleau (Cheval Arabe N° 17)

L'Arabe ... on en parle beaucoup. Les opinions à son sujet sont divergentes... souvent élogieuses, parfois dédaigneuses. Les plus élogieuses sont souvent les plus pernicieuses.
Ceux qui les profèrent n'emploient que des superlatifs et n'évoquent que des arguments de pacotille. Ils les chantent, sur des airs de mirlitons, en voulant imiter la poésie subtile et mystérieuse de l'Orient. A force d'insister sur des banalités, ils finissent par se rendre ridicules, pire, à ridiculiser le Cheval Arabe. Il n'a pourtant pas besoin de ces artifices, pas plus qu'il n'a besoin de ces présentations costumées, de mauvais goût, pour être jugé à sa vraie valeur.

Des appréciations de bons sens, étayées par des arguments sérieux devraient suffire. La vérité est fugitive. Ce qui est vrai ici, aujourd'hui, ne l'est plus là, ni demain. Nous allons donc essayer de voir ce qu'est l'ARABE (ou ce qu'il en reste) en occident, à la fin du 20éme siècle (ici et aujourd'hui).
Il va falloir remonter dans le temps pour pouvoir suivre son évolution. Le cheval (équus caballus) apparaît sur terre à l'ére tertiaire. Mais dès que l'homme (qui lui n'arrive qu'au quaternaire) prend une place prépondérante dans l'univers, le cheval devient aussitôt son auxiliaire. C'est le premier animal domestiqué. Sa sociabilité, sa docilité en font vite un esclave.
Quand l'homme devient agriculteur, le cheval le seconde.
Quand l'homme organise la guerre, le cheval y participe. Cette domestication existe partout où il y a des hommes et des chevaux, mais, elle va prendre une forme particulière et unique chez les Arabes.
La nation Arabe va occuper la région d'Asie qui comprend la péninsule arabique et la grande Syrie. C'est là que l'homme et le cheval vont évoluer ensemble (c'est cette région que l'on appellera le berceau de la race Arabe). Elle est constituée de déserts et de steppes désertiques.
La vie de l'homme y est pratiquement impossible. Impossible, elle l'aurait été s'il n'y avait pas eu un animal providentiel pour la favoriser, cet animal, c'est le dromadaire.
Il peut se suffire à lui-même dans ces régions inhospitalières, c'est lui qui va permettre à l'homme de subsister. Mieux, avec son aide, l'homme va réussir à créer une civilisation très raffinée qui n'existe nulle part ailleurs: la civilisation du désert.
Les grandes migrations de la préhistoire vont faire qu'au fil des siècles le cheval va s'infiltrer dans les régions les plus propices. Celles de la Mésopotamie et de l'Irak. On pense qu'il venait de Mongolie. Dès la plus haute antiquité on le trouve en Assyrie et en Chaldée, les bas reliefs du Temple de Ninive nous montrent déjà ce que sera notre Arabe. Si le dromadaire a été indispensable à la vie de l'homme, on peut affirmer avec autant de certitude, que le cheval, lui, n'aurait pas pu subsister, dans ces régions sans l'aide de l'homme (il n'y a du reste jamais vécu à l'état sauvage à quelque époque que ce soit).
C'est là, dans l'isolement, et avec la complicité du désert que la vie du Bédouin et de son cheval vont se modeler (l'une par l'autre) leur mode de vie est à la fois si semblable, si complémentaire et en fin de compte si égalitaire que le couple bédouin - cheval semble prolonger l'existence mythologique du centaure.
L'homme tire sa noblesse de sa vie de pasteur nomade, isolé du monde extérieur et aussi, du fait qu'il n'est astreint à aucun travail. "L'homme ne travaille de ses mains, sans rougir qu'en trois circonstances. Quand il le fait, pour son Hôte, son père ou son cheval dit le proverbe arabe." Le cheval lui-même n'est soumis à aucun travail domestique. Seules les taches nobles de la guerre, de la chasse ou...du Brigandage (La Razzia) lui son dévolues.
la vie du cavalier est liée à celle de son cheval.
La réciproque est également vraie.
"Au péril de ma vie, j'éloigne de lui la mort lui me préserve des lances ennemies." (Poème arabe).
Au campement, les poulains vivent avec les enfants pèle-mêle. Le cheval, comme chacun sait, est herbivore ce qui ne l'empêche pas de partager les repas de son maître aussi bien dans l'abondance que dans la disette.
C'est ce cheval déjà très évolué que l'islam va parachever pour en faire le cheval Arabe noble.
La fuite de Mahomet à Médine marque le début de l'Hégire nous sommes en l'an 622 de notre ére.
Quand le prophète commence la Djiyad (la guerre sainte) il n'a que peu de partisans et, pas de chevaux. L'Histoire nous apprend qu'à la bataille de Bedr (an II) il ne dispose que de deux chevaux. Le sien et celui d'Abu Beker.
Mais, les vaincus deviennent automatiquement ses alliés et ses coreligionnaires.
L'islamisation commence dans la péninsule arabique, où les chevaux ne sont pas nombreux chez les païens non plus.
Mais peu à peu, au fur et à mesure des victoires l'armée de la Djiyad va s'étoffer et la cavalerie va compter de plus en plus de chevaux rapides et résistants que les cavaliers utilisent à merveille.
La nation Arabe va se créer avec une rapidité extraor-
dinaire... sa cavalerie aussi.
Le Prophète et les Califes qui lui succèdent vont en faire la première du monde, celle qui va affronter l'occident à Poitiers en 732.

En l'an 110 de l'Hégire

Comment, d'un peuple de chameliers, l'Islam a-t-elle pu en si peu de temps faire un peuple de cavaliers?
Non seulement elle a donné une âme à sa cavalerie, mais elle a donné aussi ses lettres de noblesse au Cheval Arabe.
Dès les premiers temps de l'Hégire, Mahomet, (aussitôt qu'il a pu rassembler les chevaux nécessaires) a créé des courses à la Mecque.
Les vainqueurs étaient généreusement récompensés pour que les chevaux soient soignés et bien entraînés.
Pendant la guerre, la répartition du butin était très avantageuse pour les chevaux: quand le fantassin ou le cavalier recevait une part, le cheval, lui en recevait deux et même une supplémentaire s'il était de race noble.
Les exploits des cavaliers et de leurs chevaux sont chantés par les poètes et sont le seul thème des conteurs publics.
La distinction entre chevaux nobles et chevaux communs s'affirme de plus en plus.
C'est une distinction que seul les arabes font
L'observance des règles de noblesse va être d'une rigueur absolue.
Il est honteux pour un bédouin de faire saillir sa jument noble par un Berdaum (cheval commun). La mésalliance a autant de portée que s'il s'agissait de mésallier sa propre fille et le déshonneur est aussi grand que s'il était trompé lui même par son épouse préférée. Ceci nous donne une idée de l'honneur dans lequel la noblesse chevaline est tenue. Arrivé, à ce point de mes réflexions, je n'ai évoqué que des faits universellement connus. Je n'ai pas abordé la légende des cinq juments du prophète, à laquelle il est fait si souvent allusion. Tout le monde en parle. Tout le monde sait que ce n'est qu'une légende.
Bien que nettement post islamique, elle a quand même plus de mille ans.
Elle est toujours aussi vivace. Les observateurs les plus sérieux y font référence. Tous ou presque lui attachent une importance certaine.
Intuitivement, on est obligé de penser qu'elle doit avoir un fond de vérité. Cette légende est si belle, que, bien que très connue elle ne peut être passée sous silence. Le prophète avait établi son campement prés d'une rivière.
Volontairement, il avait laissé ses chevaux plusieurs jours sans boire.
Quand il les lacha, tous se précipitèrent pour étancher leur soif. A ce moment, il fit sonner les trompettes du rassemblement en vue du combat. Cinq juments répondirent à l'appel et renoncèrent à assouvir leur soif Saklaouia, Koheila, Obeya, Hamdan et Hadan, les mères de toute la race Arabe noble.
Ce n'est qu'une légende...Les Arabes s'en sont contentés mais, les européens, dès le début de leur pénétration en Orient ont voulu se servir de ces éléments pour procéder à une classification.
C'est là, la différence fondamental entre les deux mentalités, l'orientale et l'occidentale.
De 1761 à 1767 Niebhurr a essayé d'y voir clair.
Buckaert a suivi, ainsi que beaucoup d'autres. Mais le travail le plus considérable et le plus documenté est celui de Carl Raswan, un vrai travail de bénédictins!
Partant des cinq juments du prophète (Al Khamsa) il a étudié toutes les lignées des tribus bédouines pour faire entre elles une liaison cohérente. Persuadé d'y arriver dans les années 1930, ses convictions paraissaient bien émoussées à la fin de sa vie.
Il est donc prudent de ne considérer ses affirmations que comme des repères, plutôt que comme des références de base.
Faire la part du mythe et de la réalité, voilà l'écueil principal auquel se heurte tout éleveur d'Arabes en quête d'authenticité.
Cette recherche de la vérité ne peut jamais être menée à son terme d'une manière satisfaisante. Pourtant, la plupart des éleveurs donnent l'impression d'y être arrivés.
Ils sont sûrs de l'authenticité de leurs lignées mais doutent de celles de leurs voisins.
Ignorance? Inconscience? Ni l'une ni l'autre n'excluent la bonne foi. De toutes façons, quelle importance.
Puisque nous avons un organisme, qui, lui, détient la vérité: La WAHO (World Arabians Horse organisation). "Tous les chevaux inscrits à la WAHO sont Arabe" "Tous les Chevaux Arabes sont inscrits à la WAHO" La WAHO est une institution américaine récente. Elle regroupe tous les Stud Books arabes du monde.
Il y a une vingtaine d'années, tout S.B qui voulait y être inscrit, était "épluché..."
La France a été inscrite en 1975. Elle s'est vu refuser 1 étalon, 5 juments 8 produits.
Ce n'était pas sévère, il faut bien le reconnaître; ce n'était vraiment qu'une lessive minimale.
Mais depuis, il semble que cette inscription ne soit plus qu'une formalité.
Des Stud Books ont été créés de toutes pièces en vue de cette inscription.
Il faut prendre cet organisme comme un moyen de régularisation qui permet d'avoir une possibilité de contrôle à l'échelle mondiale.
Il est impossible de porter un jugement d'ensemble sur lui, car quels points de comparaison peut on trouver entre le S.B Anglais et le S.B Syrien, par exemple. (Le premier a trois siècles d'existence, l'autre trois ans.)
La première importation officielle du B.R vers la grande Bretagne date de 1705.
La Syrie, elle, représente la plus grande partie du B.R lui même.
Pour nous faire une idée des S.B qui composent la WAHO; nous allons jeter un coup d'oeil sur le SBF (Stud-book français) Il est le plus ancien (après celui de la Grande Bretagne). Il a l'avantage d'être bien tenu et d'avoirété importé depuis le début du 19 ème siècle.
Depuis cette période, 35 missions d'achats ont été dépêchées dans le B.R et ont ramené 1170 chevaux. Il a été créé en 1833, et l'administration qui le tenait était consciencieuse sinon perspicace.
Les premiers chevaux qui y ont été inscrits sont ceux que Napoléon avait acquis pendant la campagne d'Egypte et de Syrie. Ramenés en France entre 1800 et 1812, ils ont été inscrits à titre posthume. C'était, parait il, des chevaux nobles de haut lignage.
Il faut reconnaître à la France le mérite d'avoir pris l'initiative de définir le berceau de la race.
Ce n'est qu'une limite géographique, mais elle est indispensable. C'est la seule zone dans laquelle il est possible de trouver des Chevaux Arabes d'origine noble, mais, tous les chevaux de cette région ne le sont pas forcément.
Les missions étaient chargées de trouver des améliorateurs pour nos races métropolitaines.
-"cela pouvait être en vue de la création de l'anglo". -pour mettre "du sang sous la masse" chez le cheval de guerre.
- pour donner d la vitesse à certaines races. - ou simplement, pour avoir une réserve de sang pur.
Mais les achats des missions dépendaient aussi de l'argent qui leur était alloué. Husard, père, en l'an II de la république se plaignait déjà de ce que les misions ne disposaient que de 500 livres pour l'achat d'un cheval alors qu'un cheval noble en valait au moins 1000.
Si on veut porter un jugement de normand, on peut dire que les achats des missions ont été bons ou mauvais selon le point de vue où on se place, mais il y a une qualité à laquelle on n'a jamais accordé assez d'importance: la Noblesse.
Comme Denis Bogros (l'arabe, premier cheval de sang) le dit si bien:
"La noblesse s'exprime dans l'épreuve et se manifeste dans le modèle".
Mais, la noblesse, c'est aussi l'idée que le cheval se fait de lui même. il sait qu'il est de race supérieure.
Cela le rend hautain et même dédaigneux. Mais mieux que les humains, il sait le monter sans perdre sa gentillesse ni son caractère enjoué. Comme si, suprême délicatesse, il voulait s'en excuser.
Il n'y a aucun moyen pour mesurer cette noblesse, mais elle se sent si bien.
Tout éleveur qui y est insensible devrait se tourner vers une autre race de chevaux. Il passe à côté du meilleur!
Il faut rendre un hommage particulier à la mission Rieu de Madron (1925) et à la plupart des missions parties d'Afrique du nord qui ont mis l'accent sur cette qualité de l'arabe.
Par contre, certaines vieilles souches importées au début du 19 ème siècle semblent n'avoir été importées que pour apporter des améliorations essentiellement utilitaires. Nous n'avons, pour juger, que des photos d'amateurs... nos goûts ont peut être évolué. Mais, entre certains importés de cette époque et nos champions de show, il y a autant de différence qu'entre une jolie femme de Rubens et... une élégante de Van danger.
Il est vrai par contre qu'un El Sbaa (1925) parait, sous tout rapport nettement supérieur à nos champions de show.
Fussent-ils champions du monde.
Mais le problème le plus important du SBF est la transmission de la pureté du sang.
Partons de l'hypothèse optimiste que tous les chevaux venus du B.R. étaient des chevaux de souche pure et noble.
Que sont-ils devenus ? Quelles sont leur production ?
Avec le temps, il y a obligatoirement eu une modification morphologique due au changement du sol et du climat.
Mais il y a aussi le fait que pendant près de deux siècles les déclarations d'origine faites par les éleveurs ont été considérées comme véridiques. ces derniers ont-ils été tous honnêtes ?
Ce serait trop beau.
Surtout quand il y a la tentation de l'argent des courses.
Actuellement, il n'y a plus de tricherie possible (?) mais le mal est là. Les résultats ont été complaisamment officialisés par les Haras Nationaux. Non seulement officialisés, mais approuvés puisque ceux-ci encouragent les lignées douteuses et les exploitent eux-mêmes.
Nous avons utilisé les ressources de la science pour faire évoluer le cheval dans le sens de nos intérêts commerciaux.
Pourquoi ne le ferions nous pas pour retrouver les origines du cheval père, du prototype ?
Les travaux de Mme Kaminski devrait pouvoir nous y aider. Il n'est pas question d'arriver à la définition génétique de la race.
Mais à partir d'éléments de comparaison pris chez les Arabes d'Europe, Mme Kaminski est arrivée à des résultats appréciables, en particulier à trouver chez certains "Aranes" des gênes absolument étrangers à la race. En partant d'éléments du B.R. donc plus fiables, nous devrions avoir des résultats plus affinés.
Des recherches dans ce sens seraient indispensables si nous voulons faire un travail sérieux. Elles sont imminament souhaitables.
Malheureusement trop d'intérêts sont en jeu et quels chambardements en perspective. Que dire aussi du discrédit total des Haras Nationaux.
Si, comme notre système monétaire on pourrait procéder par dévaluation et réévalution, le procédé serait simple.
Mais nous sommes dans un système libéral où on n'accepte pas de perdre un avantage acquis, où on ne peut procéder que par compromis et demi-mesures. Tout le monde est prêt à une réévaluation, mais personne à une dévaluation.
Mais peut-on continuer à croupir dans l'ypocrisie dans laquelle notre laxisme nous a enlisé ?
La seule solution parait de laisser les mots se dévaluer et de se raccrocher, à une super race, la vraie en somme, de prendre le système de pyramid society ou d'asil club. Les Haras Nationaux ont-ils fait ce qu'ils auraient dus faire ?
N'était-ce pas leur rôle de conserver, dans les meilleures conditions possibles des lignées indiscutables ?
Ce que préconisait un de leurs plus illustres directeurs Eugéne Gayot.
"Il (l'Arabe) est le premier de l'espèce parce qu'il réunit toutes les perfections, parce qu'il contient le germe de toutes les spécialités."
"La race spécialisée, perd, vieillit et succombe on est heureux de pouvoir recourir au prototype, de retrouver dans le cheval-père, le germe toujours complet"
Ces vérités, les Haras Nationaux auraient du les méditer. Dans leur agonie, ils doivent faire des cauchemars en pensant aux étalons Arabes dont ils disposent actuellement.
Les directeurs se contentent de recruter (pour satisfaire la clientèle) des performers, sans se soucier de l'authenticité de leur origine et encore moins de leur noblesse. Ils faillissent là à leur devoir: conserver un noyau de race pure pour avoir une réserve de sang pur. Il y a des régions en France où cela serait possible.
A l'heure actuelle, peut-on encore couvrir de la même étiquette des chevaux aussi différents que les chevaux de show, de course ou d'endurance?
Ils ont certes un tronc commun, des origines qui se ressemblent, mais la spécialisation dans laquelle on les confine fait qu'ils deviennent de plus en plus différents.
Le show est une discipline qui nous vient des Etats-Unis. Elle consiste à présenter le cheval sous son aspect le plus avantageux. En gros, c'est notre "modèles et allures" revu et corrigé. C'est plutôt un spectacle qu'une discipline.
Les américains, qui sont à la pointe de la science (mais pas forcément du bon goût) sont parvenus à faire un cheval si sophistiqué qu'on en est maintenant au stéréotype.
Les coquetteries, qui n'étaient qu'accessoires, comme le chanfrein excavé, les pointes d'oreilles qui se rejoignent, la queue en panache sont devenus des critères de race au détriment d'arguments plus sérieux. Toutes les ressources de la science ont été utilisées. Manipulations génétiques, harnachement orthopédiques, opérations chirurgicales, et, si le clonage n'est pas encore là, il ne saurait tarder. Il a été fait appel à toutes les possibilités de l'art pharmaceutique et cosmétique.
Nous sommes dans une société de consommation;Les fabricants de lessive font des lessives qui lavent plus blanc que blanc. Les "fabricants" d'Arabe font des Arabes plus Arabes que les Arabes eux-mêmes.
Et pour prouver que cet Arabe est un Arabe du désert , on précise sa lignée, son exotisme s'en mêle. On remet de la couleur locale...
On se croirait à Alep ou à Palmyre... on ne parle qu'en dollars.
La branche Saklawi, minoritaire dans le B.R. est devenue si prolifique en occident qu'elle y est maintenant innombrable !
Ce genre de spectacle (le show) est soutenu par des moyens financiers importants. Bien que peu varié, il ne manque pas d'attrait, il semble cependant s'essouffler. Sa clientèle aimerait, peut-être, quelque chose de plus sérieux.
Par contre, la course longtemps abandonnée semble avoir le vent en poupe. Ces chevaux vantés par les uns, dénigrés par les autres, qui sont-ils ?
D'aspect, ils n'ont rien à voir avec ceux du show. Les lignées dont ils sont issus sont proches de celles de Mannicka (Darley Arabian).
Nos éleveurs disent qu'ils sont les meilleurs du monde. Ils ont sans doute raison, puisque les résultats en course le prouvent et que leurs prix de vente à l'exportation le confirment.Maintenant que nous avons vu les deux pôles les plus attractifs (pécuniairement parlant) de l'élevage Arabe, que reste-t-il ?
La majorité. Les obscurs, les sans grade. ceux qui sont exclus des cercles fermés de la course et du show ou, qui en sont sortis... écoeurés. Il ne reste qu'une discipline : l'endurance, une vraie discipline !
Elle est ouverte à tous les chevaux. Les Arabes semblent s'y tailler la part du lion.
Toutes les qualités qu'elle réclame sont les leurs. Les qualités qu'exigeait la vie du bédouin dans le désert. Là où le cheval noble marquait sa supériorité sur le cheval commun. Il n'y a pas de raison que ce qui existait en Orient ne se reproduise pas en Occident. La preuve n'est pas faite. Elle devrait se faire mais, même si nous arrivons à la faire, qu'est-ce que le nouvel Arabe d'Occident aura encore de commun avec son ancêtre né dans le désert ?
Qu'on le veuille ou non, il ne sera jamais plus qu'un "beur" intégré et marqué par notre société. Celle qui sait tout fabriquer...
Des ordinateurs, des chevaux de course, de show... et même des footballeurs. Mais notre société n'arrive pas à faire des diamants, ni des Safinät ejjewed (1). La nature dans sa grande sagesse semble vouloir conserver le germe nécessaire à sa régénération.
En tout cas, elle laisse accès au jardin secret qu'elle réserve à ses amoureux pour qu'ils puissent venir s'y recueillir et rêver à ce cheval noble dont les arrières petit-fils se font admirer à la Porte de Versailles ou se couvrent de gloire sur les pistes d'Evry. Les qualités de ces deux lointains rejetons arriveraient peut-être à égaler celles que leur ancêtre commun avait à lui tout seul.
"Le cheval Arabe n'a qu'une spécialité, celle de les avoir toutes" Eugéne Gayot (connaissance générale du cheval).
Je souscris entièrement à ces belles paroles mais, suis obligé de constater la triste réalité. Par amour des honneurs et de l'argent, les faux amis du Cheval Arabe ont placé son nom sur la liste de des races en voie de disparition et c'est bien dommage.

jean Deleau

(1) Safinat (au singulier) cheval parfait.
(2) Jawad (au singulier) coursier rapide.